Lundi 12 juillet, Augustin Matata Ponyo est longuement auditionné par des inspecteurs judiciaires. A l’issue de l’audition, il rentre chez lui, libre. Mardi13 juillet, il est à nouveau auditionné.
Les inspecteurs découvrent, semble-t-il, des indices sérieux de culpabilité de la part du sénateur, ancien ministre des finances, ancien premier ministre dans l’affaire de détournement de 110 millions $US destinés à l’indemnisation des victimes de la zaïrianisation. Dans la soirée de mardi, un officier du ministère public au parquet général près la cour constitutionnelle délivre un « mandat d’arrêt provisoire » contre Matata Ponyo Mapon.
L’homme à la cravate rouge est donc « placé en état d’arrestation provisoire et assigné à résidence ». La nouvelle fait l’effet d’une bombe. Pour en arriver là, se disent les spécialistes des questions judiciaires, le parquet doit avoir suffisamment de preuves pour coincer l’ancien premier ministre, qui doit encore être auditionné le lendemain.
Coup de théâtre mercredi 14 juillet puisqu’à l’issue de l’audition, l’accusation s’effondre. Matata Ponyo Mapon est quasiment lavé de tout soupçon. L’officier du ministère public ordonne la main levée de son assignation à résidence surveillée. C’est en homme libre que le sénateur sera désormais entendu.
Qu’est-ce qui s’est passé entre mardi et mercredi pour que l’accusation soit ainsi démolie ? Quelles preuves Matata Ponyo a-t-il présenté pour que l’instruction soit vidée de toute sa substance ? Des questions sans réponse jusque-là. Ce que l’on sait, au regard des déclarations des avocats du sénateur incriminé ou de ses proches, est que l’affaire n’est pas aussi simple qu’elle ne paraissait.
Le parquet serait allé trop vite en besogne pour coincer un homme qui semblait vouloir échapper à la justice grâce à ses immunités parlementaires, levées depuis par le bureau du sénat. Certains dans l’opinion estiment que la justice voulait tout simplement humilier l’homme, le réduire à sa plus simple expression, surtout que ses affidés critiquaient une « justice aux ordres », une « justice instrumentalisée », une « affaire politique » enclenchée pour « se débarrasser d’un potentiel candidat à l’élection présidentielle de 2023 ».
Mieux ficeler les dossiers
Quelles que soient les raisons vraies ou supposées de l’effondrement du dossier, force est de constater que la justice spectacle ne paie pas toujours. Il nous revient que le dossier a manifestement été mal ficelé ou mal présenté. La liste des victimes de la zaïrianisation ayant prétendument perçu les 110 millions $US décaissés sur instruction du ministre des finances ou premier ministre Matata Ponyo serait la même que présente la Direction générale de la dette publique (DGDP) ex-OGEDEP (Office de gestion de la dette publique). Différents ministres des finances qui ont trôné à l’immeuble en verre sur le boulevard du 30 juin depuis des dizaines d’années auraient agi de la même façon que Matata Ponyo pour régler cette affaire. Bien plus, il semble que ce paiement résultait également d’une conditionnalité du Fonds monétaire international
En l’absence d’une communication officielle du parquet, on ne sait sur quel pied danser. Certains ont même insinué que l’homme à la cravate rouge aurait été disculpé à la suite d’une intervention du chef de l’Etat guinéen.
On rappelle que Matata Ponyo exécutait une mission de consultance en Guinée quand ses démêlées judiciaires ont commencé avec l’affaire de détournement de près de 200 millions $US de financement du projet de parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. « Je rentre au pays pour me mettre à la disposition de la justice », avait déclaré alors Matata Ponyo, avant d’inviter curieusement ses collègues sénateurs « à ne pas le livrer à la justice ». Résultat : le sénat avait refusé d’accorder l’autorisation des poursuites contre l’ancien premier ministre dans le dossier Bukanga Lonzo.
Malgré ce revers, le procureur général près la cour constitutionnelle ne s’est pas démonté et a sorti le dossier 110 millions $US d’indemnisation des victimes de la zaïrianisation et a obtenu le quitus du bureau du sénat agissant en lieu et place de la plénière de la chambre haute en vacances parlementaires.
On ne sait pas ce qui va se passer maintenant que le « dossier zaïrianisation » a apparemment fait flop. Certains s’attendent à ce que le sénateur coopère « de bonne foi sans y être contraint » avec la justice afin de fournir des éléments d’informations pouvant faire évoluer le dossier Bukanga Lonzo.
A l’avenir, la justice devrait éviter de se donner trop vite en spectacle. Elle ferait œuvre utile en ficelant mieux ses dossiers pour éviter le ridicule et conforter l’espoir des Congolais de voir les détourneurs des deniers publics répondre de leurs forfaits.
N’tombo Lukuti