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Félix Tshisekedi : deux ans et des Congolais toujours dans la salle d’attente

Le 24 janvier 2019, Félix-Antoine Tshisekedi prenait officiellement le pouvoir après les élections contestées du 30 décembre 2018. La cérémonie d’investiture au Palais de la nation devant son prédécesseur Joseph Kabila consacrait une première passation pacifique du pouvoir en République démocratique du Congo.

Dans son discours, le nouveau chef de l’État issu du plus vieux parti politique d’opposition-UDPS-, avait promis d’axer sa politique sur l’instauration de l’Etat de droit et le credo social cher à son père : “Le Peuple d’abord“. La foule présente à cette cérémonie mémorable n’avait pas non plus louper l’occasion de le lui rappeler : “Félix, kobosana te, papa alobaki, le peuple d’abord” (Félix n’oublie, papa avait dit…).

Deux ans après, quel bilan pour le cinquième président de la République ? A-t-il oublié ou non son credo ? Quelques Kinois se sont prêtés à notre jeu de décrire, en un mot, le bilan de l’actuel chef de l’Etat : “mitigé”, “médiocre”, “échec”, “erreurs”, “tâtonnements”…

Concrètement, le président Tshisekedi a démarré son mandat en fanfare. Sur le plan politique, il a libéré des prisonniers d’opinion laissés derrière le barreau par son prédécesseur. Il a aussi mis fin à l’exile politique de certains dont Moïse Katumbi Chapwe, ancien gouverneur de la riche province démembrée du Katanga et son allié politique du combat contre un troisième mandat de Joseph Kabila à travers le Rassemblement de l’opposition.

Contraint au même moment par les résultats des législatives largement favorables à Joseph Kabila, Fatshi se met en coalition “FCC-CACH“, avec la famille politique de son prédécesseur. Malgré les pressions du monde occidental et de certains sympathisants (diaspora notamment), il évite de prendre très tôt ses distances avec Joseph Kabila. Du moins, jusqu’à sentir lui même le vrai moment. A Washington en avril 2019, il jure de “déboulonner l’ancien système”, mais conserve son ton d’apaisement.

Programme 100 jours, un fiasco

Après de longues et difficiles discussions, son premier gouvernement arrive fin septembre 2019, dirigé par un Premier ministre- Sylvestre Ilunkamba, issu du FCC. On croit alors que les choses sérieuses pour “le peuple d’abord” commencent après le fiasco du programme d’urgence des 100 premiers jours lancé en mars 2019. Mais ce gouvernement Ilunkamba ne présentera rien de spécial sur le volet socio-économique. La grande réforme de la gratuité de l’enseignement de base initiée sans mesures d’encadrement sérieuses au préalable souffre dans son exécution. Insuffisance des infrastructures scolaires, non-paiement des centaines de milliers des enseignants NU (nouvelles unités) et frais de fonctionnement des écoles tombant à compte-goutte jettent un discrédit sur une réforme pourtant salutaire et surtout constitutionnelle.

2020, crise sanitaire et politique

En 2020, pas grand-chose encore à se mettre sous la dent sur le plan social. La crise sanitaire consécutive au Covid-19 a affaibli de plus en plus l’assiette fiscale. Le peu d’argent qui tombe dans la caisse est avalé par des institutions gourmandes. Aucune d’elle ne serre la ceinture. Mais le Congolais lambda voit encore son pouvoir d’achat chuter au même moment que le franc congolais face au roi dollar.

La présidence de la République n’est pas le bon élève de la promesse du chef de l’Etat de réduire drastiquement le train de vie des institutions. Des dépassements budgétaires allant jusqu’à à plus de 1 400 % selon les rubriques sont constatés et déplorés par la société civile dont ODEP (Observatoire des dépenses publics). Le salaire des conseillers à la présidence est triplé, selon la confession de Vital Kamerhe lors du procès 100 jours en juin 2020. Le directeur de cabinet du chef de l’Etat qui ecopera de 20 ans de prison pour le détournement de plus de 40 millions de dollars dans le dossier de l’achat de maisons préfabriquées dans le cadre du programme des 100 jours est pratiquement le seul exemple phare à retenir dans la promesse du chef de l’Etat à mettre fin à l’impunité et au détournement des fonds publics.

Les autres condamnés dans le cadre du même programme comme les directeurs généraux de l’OVD et de SOCOC ont bénéficié d’une grâce présidentielle début janvier 2020. Une douche froide pour l’Etat de droit.

La crise n’a pas été que sanitaire en 2020. Elle aura surtout été politique. Le 6 décembre, le président annonce après ses consultations politiques de trois semaines, la fin de la coalition FCC-CACH qui, reconnaît-il, n’a pas pu répondre aux aspirations légitimes de la population à cause des querelles intempestives. A même temps, il annonce la désignation d’un informateur pour identifier une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale.

Puis vint l’Union Sacrée pour la Nation…

En réalité, le vrai problème entre lui et son prédécesseur commence en juillet 2020 quand il nomme trois nouveaux juges à la Cour constitutionnelle. Un pour pour remplacer le président de cette haute institution Benoît Lwamba qui a déposé sa démission quelques semaines auparavant à partir de la Belgique. Deux autres pour remplacer deux juges qu’il a déplacés, contre leur gré, à la Cour de cassation. Le FCC crie à la violation de la Constitution. La loi fondamentale prévoit le remplacement des juges chaque trois ans et selon un système de tirage au sort. Ce qui n’a pas été respecté dans le cas de deux des trois juges.

Mais le président Tshisekedi fonce tête baissée et reçoit le serment de ces hauts magistrats devant le congrès, à l’absence très remarquée du Premier ministre et de deux présidents de deux chambres législatives, Thambwe Mwamba et Jeanine Mabunda.

Les trois obéissent au mot d’ordre du FCC. Une “humiliation” pour le président Tshisekedi que va payer cash Jeanine Mabunda éjectée, le 10 décembre, à la tête de l’Assemblée nationale. Reste le tour de Sylvestre Ilunga menacé par une motion à l’Assemblée nationale qui, visiblement, est désormais entre les mains de ” Fatshi Béton“. Le chef du gouvernement refuse jusque-là de répondre à l’invitation du bureau d’âge.Le président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, aura certainement son tour de disgrâce bientôt, tant le nouveau vent de l’Union sacrée souffle fort.

Une nouvelle majorité à la chambre basse du Parlement favorable au président Tshisekedi se dessine et devrait, sauf incident industriel, être confirmée au courant de l’actuelle session extraordinaire qui a mobilisé plus de 12 millions de dollars des caisses de l’Etat. Une autre déception pour ce peuple qui manque du strict minimum et qui voit les politiques se la coulaient douce.

L’arrivée imminente des institutions sacro-sainte de l’union sacrée installe une fois de plus les Congolais dans la salle d’attente d’un petit paradis leur promis par le président Tshisekedi. Un président qui n’aura plus beaucoup d’excuses.

SN

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