Après l’insurrection d’hier, la ville de Kinshasa s’est lentement remise sur pied ce matin, et a vite retrouvé des couleurs. Comme d’habitude, présence policière dissuasive dans de nombreux carrefours et au palais du peuple. Le siège du parlement est comme plongé dans la torpeur.
Aucun député en vue jusque vers 13 heures. Les couloirs sont vides ; les salles des plénières et des réunions des commissions sont fermées. Quelques administratifs ont tout de même répondu présents. Fidèles à leur poste, ils assurent la continuité des services, a-t-on constaté sur place en début d’après-midi.
24 heures après la chasse à l’homme dans le style « toyebi ndaku » (on connaît l’adresse de sa résidence), c’est donc le calme. Ou ce qui en tient lieu. Les Kinois qui ont marché, manifesté, crié, scandé des slogans anti-parlement, anti-députés, anti-lois Minaku-Sakata, se reposent. Possible qu’ils soient aussi en train de recharger les batteries pour une autre descente – cela devient une habitude – au siège du parlement.
Ils observent, sans doute convaincus de la justesse des propos attribués au chef de l’Etat par un communiqué des services de la présidence de la République. C’est peut-être une trêve, le temps de voir si les parlementaires ont compris. La question est tout de même de savoir si ces derniers vont accepter de travailler ou de ne pas travailler sous pression populaire, pression de la rue. Certains estimaient hier qu’il ne faudrait pas tolérer la « République de la rue ».
En attendant de voir ce qui va se passer demain, force est de constater que les Kinois, les manifestants d’hier en particulier, ont été généralement imprudents, pour ne pas dire inconscients, face aux mesures barrières édictées pour lutter contre la propagation du coronavirus. Ils ont eu bien tort. Les chiffres sont en effet de plus en plus mauvais, alarmants. On a compté hier 198 nouveaux cas positifs de covid-19, dont 182 rien que dans la ville de Kinshasa, 5 au Kongo Central, 2 au Haut Uélé, 2 au Nord-Kivu et 1 au Kwilu. Le cumul pour tout le pays est de 6.411 cas positifs depuis le premier cas détecté le 10 mars dernier.
Si parmi les manifestants d’hier à Kinshasa et Lubumbashi il s’est trouvé un ou plusieurs cas positifs asymptomatiques de covid-19, on peut s’attendre à d’autres dizaines ou centaines de cas positifs dans les 14 jours qui suivent. Des images de manifestants diffusées sur les réseaux sociaux, on a pu constater que la majorité ne portait pas de masques. Ceux qui en avaient, les avaient sous le menton afin de mieux se faire entendre. La distanciation physique n’a pas non plus été respectée.
Mais qui pouvait s’inquiéter de cette situation ? Personne ou très peu de gens. Ici, on est convaincu que Dieu agit et protège mieux que le masque ou la distanciation physique. Bien plus, malgré les chiffres inquiétants de nouvelles contaminations, la majorité de Congolais ne croient pas en l’existence du covid-19.
Pire, dans certaines communes de la capitale, des familles éprouvées réussissent curieusement à obtenir des dérogations pour exposer pendant une ou deux heures les dépouilles mortelles des leurs dans leurs résidences avant enterrement le même jour à la sortie de la morgue. Pourtant, il avait été décrété que l’organisation des deuils dans les résidences était interdite pendant cette période d’état d’urgence due à la pandémie à coronavirus.
Ce matin, on a par ailleurs constaté que de nombreux agents et fonctionnaires de l’Etat ont envahi les guichets des banques commerciales pour retirer leurs salaires du mois de juin 2020. Si certains portent négligemment des masques ou pas du tout, le respect de la distanciation physique n’est pas de mise.
N’Tombo Lukuti