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Francophonie : après le Sommet de Paris, que devrait faire la RDC ? [Tribune]

Tribune de Mabiala Ma-Umba, Expert indépendant – Ancien Directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’Organisation internationale de la Francophonie – Ancien Délégué général à la Francophonie.

Après le Sommet de Paris, beaucoup de Congolais souhaiteraient que la RDC suspende sa participation à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ou, carrément, se retire de cette organisation. Dans les deux cas, ce serait une erreur !

Les Congolais devraient plutôt se poser la question de savoir ce que la RDC devrait faire pour mieux tirer profit de son appartenance à la grande famille francophone.

Contrairement à ce que certains Congolais pensent et malgré la « faute diplomatique » du Président Macron, le Sommet de Paris a été bénéfique pour la RDC: en effet, les Chefs d’Etat et de gouvernement présents à Paris ont adopté une résolution qui réaffirme, sans ambiguïté, leur attachement « à l’intégrité territoriale et à l’intangibilité des frontières de la RDC, en condamnant toute intervention militaire étrangère non autorisée (= celle du Rwanda) et en demandant le retrait immédiat des troupes rwandaises ».

Le fait que le Rwanda n’ait pas validé les points de la résolution qui concernent la RDC prouve, aux yeux des autres États, qu’elle a des intentions non avouées. La RDC devrait capitaliser sur ce soutien non équivoque de l’OIF en tant que structure multilatérale et poursuivre ses efforts diplomatiques au plan bilatéral, avec chacun des États et gouvernements membres de la Francophonie.

Au sein de l’OIF, comme dans toute organisation multilatérale, il y a des États et gouvernements qui sont un peu plus influents que d’autres. Malheureusement, la RDC n’exerce pas encore l’influence qu’elle devrait avoir en tant que plus grand pays francophone, après la France, en termes de nombre de personnes qui utilisent le français au quotidien.

Par contre, au cours de dernières années, que l’on admette ou que l’on n’admette pas, le Rwanda a réussi, petit à petit, à utiliser la Francophonie comme instrument au service de ses intérêts stratégiques! Ce n’est pas un hasard si le Rwanda avait réussi, en 2018, à faire élire Madame Louise Mushikiwabo comme Secrétaire générale de la Francophonie et à la faire réélire, en 2022, pour un deuxième mandat. Ce n’est pas un hasard si, après le Sommet de Paris, la prochaine grande messe politique de la Francophonie se tiendra à Kigali, en 2025 ! En effet, c’est à Kigali que se retrouveront, l’année prochaine, tous les États et gouvernements membres pour la prochaine conférence ministérielle de la Francophonie, celle qui va préparer le Sommet des Chefs d’État et de gouvernement de 2026 consacré, entre autres, à l’élection d’un nouveau Secrétaire général ou à la reconduction de l’actuelle Secrétaire générale…

Que le Rwanda utilise la Francophonie pour «ses intérêts stratégiques», c’est de bonne guerre ! Tous les États et gouvernements le font : ils viennent à l’OIF pour promouvoir leurs objectifs stratégiques et défendre leurs intérêts, dans un cadre multilatéral. Un seul exemple suffit pour illustrer cette thèse. En Corée du Sud, c’est une infime minorité qui parle français mais la Corée est devenue membre de la Francophonie parce que, entre autres, elle cherche à élargir son marché pour écouler les nombreux produits de son industrie, notamment celle de l’automobile.

Au sein d’une organisation multilatérale comme l’OIF, ce sont des États et gouvernements membres qui décident, en fonction des enjeux de l’heure, de leurs intérêts stratégiques respectifs, de leurs «affinités » avec d’autres États, du jeu d’influence qui se joue entre les uns et les autres. L’influence qu’exerce un État sur les autres ne se dicte pas: elle s’acquiert progressivement par des actions concrètes vis-à-vis de l’organisation, par les compétences, la crédibilité, le sérieux et le comportement de ses délégués et représentants, par des interventions et prises de positions pertinentes, qui apportent une vraie valeur ajoutée lors des discussions sur des sujets d’intérêt commun, par son implication et sa participation active et judicieuse dans les commissions, par sa participation à des missions de médiation et de bons offices, par le respect de sa parole, par ses cotisations statutaires, par des contributions volontaires extrabudgétaires, par le financement de certaines initiatives spéciales, … Au cours de dix dernières années, le moins qu’on puisse dire, en ce qui concerne la RDC, est qu’elle ne s’est pas distinguée, hormis l’organisation réussie des Jeux de la Francophonie dont, par ailleurs, le succès n’a pas été suffisamment capitalisé…

Il est temps que la RDC se réveille et puisse utiliser la Francophonie, de façon intelligente, pour ses intérêts stratégiques sur le plan diplomatique, sur le plan culturel, sur le plan touristique, sur le plan économique et commercial…Faut-il encore, pour cela, que la RDC sache ce qu’elle veut !

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