Le lundi 22 février 2021, à la réouverture des classes, Kavira n’est pas retournée à l’école comme les autres filles de son âge. Elle est tombée enceinte, l’année dernière, à 16 ans, pendant que les écoles étaient fermées, à cause de la pandémie Covid-19.
Rien que dans le territoire de Rutsuru, dans le Nord-Kivu, où habite Kavira, 46 jeunes filles, âgées de 14 à 17 ans étaient tombées enceintes durant le confinement, entre mars et juin 2020, d’après le décompte réalisé par «l’Asbl Amani Institute». Ces filles venaient à peine de terminer l’école primaire ; d’autres étaient déjà à l’école secondaire, entre la 1ère et la 4ème.
Nana, 14 ans, vit quant à elle à Matadi, dans le Kongo Central. Elle est tombée enceinte, elle aussi, victime d’un viol en octobre 2020. Elle s’est retrouvée dans la rue, abandonnée par sa famille, d’après le témoignage de l’Association «Pona Bana» qui a documenté son cas.
A Kananga, dans le Kasaï Central, 68 adolescentes sont tombées enceintes, durant la période de confinement en 2020, selon le décompte établi par l’ONG « Femmes Main dans la Main».
En RDC, elles sont des milliers qui, comme Kavira et Nana, ne reprendront pas le chemin de l’école cette année, victimes de grossesses non désirées survenues durant le confinement et la fermeture des écoles !
Il est sans doute trop tôt pour disposer, à l’échelle du pays, de toutes les données relatives aux jeunes filles qui sont tombées enceintes pendant que les écoles étaient fermées à cause de la pandémie. La fermeture des écoles a cependant permis de mettre en lumière le phénomène des grossesses non désirées comme l’une des causes principales d’abandon scolaire chez les jeunes filles congolaises.
En effet, en RDC, les mariages précoces ainsi que les grossesses non désirées constituent les raisons majeures de décrochage scolaire chez les jeunes filles. A l’échelle nationale, environ 18% d’adolescentes de 15 à 19 ans sont victimes de mariages précoces. Chaque année, au moins 12% des filles de moins de 15 ans et 39% des filles âgées entre 15-19 ans sont victimes de grossesses non désirées (Ministère de la Santé, 2014).
En chiffres réels, ce sont des millions de jeunes filles qui voient ainsi leurs rêves brisés car, malheureusement, la plupart des filles qui tombent enceintes ne reprennent plus le chemin de l’école…
Combattre les mariages précoces et lutter efficacement contre les grossesses non désirées chez les jeunes filles devraient être des stratégies prioritaires si on veut assurer l’autonomisation et le leadership des femmes dans ce pays. Tous, ensemble, pour la concrétisation réelle des droits des femmes!
Mabiala Ma-Umba (MMU), Ancien directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’Organisation internationale de la Francophonie