Abordant la question de la lutte contre la COVID-19, le Conseil des Ministres de ce vendredi 21 mai 2021 a lancé un appel à la population pour qu’elle ne baisse pas la garde en matière de prévention. Par la même occasion, la population congolaise a appris que le ministère de la santé va bénéficier des services d’un expert en infodémie « pour lutter contre les fausses informations afin d’appuyer la communication sur la vaccination ».
Infodémie est un terme qui vient de la contraction et de la fusion de deux mots « information » et « pandémie ». Depuis le début de la COVID-19, beaucoup d’informations erronées circulent à ce sujet sur les médias sociaux, ce qui crée des doutes dans l’esprit des gens, notamment en ce qui concerne la vaccination!
La circulation de « fausses informations » ou « fake news » (selon l’expression du Président Trump) n’est pas un phénomène nouveau. Depuis la nuit des temps, les informations erronées se transmettent d’une personne à une autre, dans diverses situations et divers contextes…. Cependant, ce qui est nouveau, avec l’internet et les médias sociaux, c’est leur diffusion quasi instantanée sur la planète entière et, surtout, l’ampleur des dégâts que des informations erronées peuvent provoquer! On comprend pourquoi l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère les « fake news » comme un défi majeur qui risque de mettre en péril les campagnes de vaccination à travers le monde, en particulier en RDC où le nombre de personnes vaccinées atteint à peine environ 15.000.
Les « fake news », un défi majeur
Les « fake news » naissent de plusieurs manières. Quelques fois, il arrive qu’une information véridique soit déformée, de manière inconsciente, en toute bonne foi, par des personnes qui la transmettent à d’autres. D’une personne à l’autre, l’information peut subir des déformations plus ou moins graves, surtout si la transmission se fait de bouche à oreille! Parfois, la diffusion de fausses informations se fait de façon consciente, par des gens qui ont des intentions malveillantes, qui cherchent simplement à mettre un concurrent ou un adversaire en difficultés. En pleine campagne électorale, par exemple, partout au monde, les politiciens ne se font pas de cadeaux. Quelques-uns observent une certaine éthique et respectent les règles du jeu. D’autres politiciens, sans scrupules, ne se gênent pas de « fabriquer » et de diffuser de fausses informations sur leurs adversaires politiques afin de les salir, de ruiner leur réputation. Il en est de même en temps de guerre: la manipulation de l’information fait partie des stratégies que toutes les armées du monde utilisent pour démoraliser et désorienter l’ennemi ou pour « booster » le moral de leurs propres troupes!
Sans entrer dans des détails, notons que, de manière générale, la circulation de fausses informations trouve un terrain fertile dans les contextes où l’information du public est confuse, incomplète, contradictoire, incohérente,… En d’autres termes, quand les pouvoirs publics ou les responsables institutionnels ne communiquent pas de manière appropriée, la population est plus encline à prêter attention à toutes sortes de rumeurs, y compris les plus farfelues!
Tâtonnements et incohérence
Très souvent, le manque de transparence et de confiance engendre des circuits parallèles d’information. En effet, quand la population a l’impression qu’on ne lui dit pas toute la vérité ou qu’une situation de crise n’est pas expliquée de façon claire et transparente, la population tend à trouver elle-même ses propres explications, en dehors des circuits officiels ou institutionnels! C’est ce qui nous arrive avec la COVID-19. En effet, depuis le début de la pandémie, beaucoup de fausses informations circulent en RDC, en particulier à Kinshasa, principalement, parce que, dès le départ, la stratégie de communication du ministère de la Santé et du Comité de la riposte n’a pas été à la hauteur des attentes des Congolais. Il y a eu beaucoup de tâtonnements et d’incohérences, au point que jusqu’à présent, beaucoup de Congolais ne croient pas à l’existence du coronavirus. Beaucoup de questions sont restées sans réponse! Aujourd’hui encore, en ce qui concerne particulièrement la vaccination contre la COVID-19, la population se pose de nombreuses questions auxquelles, malheureusement, les responsables politiques et sanitaires n’ont pas fourni toutes les réponses. On ne devrait donc pas s’étonner de noter une grande réticence à se faire vacciner…. Une étude publiée en février 2021 par des chercheurs congolais et sud-africains (Ditekemena, J. et al. 2021) montre que le niveau d’acceptation du vaccin anti COVID-19 était très bas : à peine 55% de Congolais avaient exprimé l’intention de se faire vacciner. Pire, chez les professionnels de la santé, le niveau d’acceptation du vaccin était encore plus bas.
Ce qui doit être fait
Plusieurs raisons expliquent la réticence des Congolais. Il s’agit essentiellement du manque de confiance vis-à-vis du vaccin : dans l’étude mentionnée ci-dessus, « environ 60% des Congolais qui ne souhaitaient pas être vaccinés avaient déclaré ne pas faire confiance au vaccin anti-Covid ». Ils doutent de l’efficacité du vaccin et de son innocuité. Les auteurs de l’étude mentionnent également l’influence néfaste de rumeurs et de « fake news » comme raisons pour lesquelles une bonne proportion de Congolais refuse de se faire vacciner.
Une bonne stratégie de communication s’avère donc indispensable. Elle doit contribuer à rassurer les Congolais. Sur ce plan, beaucoup de nos compatriotes se demandent pourquoi les plus hauts dignitaires de la République ne se sont pas fait vacciner, comme sous d’autres cieux. En matière de communication pour le changement social et de comportement, prêcher par l’exemple est l’un des moyens les plus simples de persuader d’autres personnes à adopter le comportement souhaité. Au-delà de l’implication de plus hautes autorités et du symbolique que cela représente, il faudrait une stratégie plus cohérente d’engagement communautaire qui repose sur l’écoute de la population, sur « ce que les gens disent, pensent, croient, imaginent à propos du vaccin anti covid-19 », sur l’inventaire des craintes et préoccupations qu’elle exprime, sur les réponses à apporter aux questions que les gens se posent, sur une cartographie claire des leaders d’opinion et influenceurs sur lesquels on peut compter pour mobiliser la population, sur une définition claire de leur rôle sur le terrain, sur la pertinence des messages clefs et des arguments à mettre en avant par rapport au contexte congolais, sur une combinaison judicieuse des canaux de communication à utiliser, sur les mécanismes qui sont mis en place pour rassurer la population quant à l’innocuité du vaccin !
Enfin, la lutte contre les « fake news » en matière de vaccin anti-COVID-19 ne produira les résultats escomptés que si les journalistes et les médias attitrés s’insèrent, comme un des éléments du puzzle, dans cette stratégie de mobilisation de la population congolaise. Plus que jamais, leur rôle de « relayeurs » d’informations véridiques et exactes, devient crucial pour contribuer à éclairer la population sur les enjeux de cette maladie et sur les efforts qui sont demandés à chacun de nous pour freiner la propagation du coronavirus.
Mabiala Ma-Umba, expert en éducation et en communication pour le changement social et de comportement – Ancien directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’Organisation Internationale de la Francophonie
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