Insoumission, gangstérisme, banditisme, enlèvements… Retour sur des phénomènes multiformes d’insécurité qui terrorisent l’ex-Léopold-ville.
Kinshasa, ville tentaculaire, est plus connue pour son côté festif, avec sa Rumba et son Ndombolo. Mais derrière cet aspect « Kin Kiese », se cache le côté sombre des gangs et bandits qui ont joué et jouent au trouble-fête.
Aujourd’hui, des « Kuluna » – nom emprunté du portugais pour désigner une colonne de militaires – et des kidnappeurs dans des taxis dits « ketches » sèment la terreur dans la ville. Une plongée dans l’histoire et l’on découvre que depuis l’époque coloniale, des phénomènes d’insécurité inquiétants existaient déjà.
Comment les comprendre ? L’historien Jean Kambayi Bwatshia explique que ces phénomènes, qui d’ailleurs ne sont pas propres à Kinshasa, naissent dans un contexte de « misère et de pauvreté sur le plan matériel, moral et social ».
« Pendant l’époque coloniale, tous ceux qui étaient contre les prescrits d’un pouvoir colonial très injuste ont commencé à poser des actes d’insécurité. Vers les années 1950, s’inspirant des films Western, ils ont constitué des gangs. Ils portaient le nom des héros du cinéma américain : Buffalo Bill, Dr. Jivaro, Bing Bill, Django, Buddha, Etoile filante, Mc Ovec et consort. Les séquelles de tout cela a donné lieu au banditisme », nous raconte Jean Kambayi Bwatshia.
La faible densité démographique de la ville à l’époque contribuait également à l’insécurité : « Les bandits opéraient souvent dans les lieux dépeuplés et dépourvus d’électricité. Le cas des coins devenus aujourd’hui Kingabwa, Kintambo, Kalamu, Kimwenza, Ngaliema. Mais aussi, le long de la route Kinshasa-Kasangulu ».
« Ordre dans le désordre »
Après l’indépendance, celui qui fut un ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire sous Mobutu admet que la dictature entretenait parfois l’insécurité ; allusion faite au « Phénomène Hiboux » :
« On appelait cela ‘’l’Ordre dans le désordre’’ ; cela donnait un prétexte au Dictateur pour rester le plus longtemps possible au pouvoir. Il y avait aussi des militaires incontrôlés qui terrorisaient la ville », rappelle-t-il citant des endroits comme Singa Kuanga (Lingwala), Wenze Libulu, le long des rivières Makele et N’djili, le long du fleuve où il ne faisait pas bon s’hasarder à certaines heures.
Des chauffeurs militaires
Le départ de Mobutu a été loin d’arranger les choses.
« Mobutu a été remplacé par un pouvoir militaire. Des gens sont devenus militaires sans formation. Sans attendre que Laurent-Désiré Kabila puisse contrôler effectivement la situation, il a été assassiné. Le fils, ne connaissant pas le dossier Congo, s’est débrouillé en créant une armée dare-dare. Cette armée, dont la plupart des effectifs sont venus de l’Est du pays, a créé de l’insécurité. Les fameux véhicules ketches qui enlèvent aujourd’hui des personnes appartiennent à des officiers de l’armée. La plupart des chauffeurs sont des militaires », explique cet historien qui espère que le nouveau Président, Félix Tshisekedi, saura mettre sur pied une bonne armée qui comprend sa fonction, celle de protéger la Nation.
L’auteur de « les Shégués : ces abandonnés du destin », indique également qu’un bon nombre d’enfants de la rue sont des orphelins des militaires morts à la guerre. Les Kuluna, pour lui, sont plus gangsters que ces Shengues présents dans les places publiques.
L’insatisfaction et la désorganisation de la société ont donc, à ses yeux, fait le lit de tous ces phénomènes d’insécurité dans la ville.
Nsimba