« Tout a commencé au plateau de Bateke. A l’absence de mes parents, je suis allée chercher du bois de chauffage. J’ai rencontrée trois jeunes gens qui m’ont violé. De retour à la maison j’ai gardé l’information. Je n’ai pas voulu dénoncer parce que j’avais peur“, se rappelle-t-ell. Deux mois après, ses parents et elle-même vont réaliser qu’elle était enceinte. “Les parents m’ont supporté jusqu’à l’accouchement. Malheureusement, j’ai fait 4 jours avec des douleurs dans une structure de la place à Kingakati, sans succès. Le cinquième jour, le médecin me dit que mon cas était grave, il nécessitait une prise en charge dans un grand hôpital de la ville de Kinshasa. De là, nous sommes partis à l’hôpital général de Kinkole, pas de solution. Le médecin nous a demandé d’aller à Roi Baudouin de Masina. Arrivés sur place, les médecins ont constaté que l’enfant était déjà mort. Il a fallu intervenir par césarienne“, raconte Lisa, encore sous l’émotion.
Malheureusement au cours de cette opération, la vessie sera endommagée et va occasionner une fistule. “Donc, j’ai attrapé cette maladie, suite à une césarienne. Le médecin m’a dit clairement que le couteau m’avait blessé et qu’à son niveau, il était incapable de résoudre mon cas. Je suis sortie de l’hôpital sans solution. Car, dans cet hôpital, les fistuleuses ne sont pas prises en charge, nous ont révélé les médecins qui nous ont proposé un transfert à l’hôpital Saint Joseph de Limete“.
Début du calvaire
C’est donc le début d’un chemin de la crois pour Lisa et ses proches. “Nous avions dépensé toutes nos ressources financières. Impossible donc d’atteindre l’hôpital Saint Joseph dans la commune de Limete“, explique-t-elle. Après quelques jours de traitement, Fanny et ses parents seront obligés de rentrer chez eux au Plateau de Bateke. « Pendant 8 ans, je vais traîner cette satanée maladie. Je serai victime de discrimination, d’injures“, se rappelle toujours Lisa.
“A présent je suis guérie de la fistule et j’ai réintégré la société qui m’a traité de tout les maux, grâce au CONAFED à travers son projet de lutte contre les VSBG, avec l’appui de Medicus Mundi“, reconnaît cette jeune femme. Quand elle évoque l’apport du Conafed et Medicus Mundi dans sa vie, elle en tremble d’émotions. Elle est catégorique : “la vie associative est très importante“. Car, selon elle, cette aide vitale est intervenue à travers l’Association des Mamans Paysannes de Kingakati (AMAPEKI), membre du CONAFED dont elle est membre. Cette association est conduite par Maman Maguy Nzengo.
Lisa souligne tout de même que des pareils cas sont nombreux dans son entourage à Kingakati. Mais il se pose un problème d’information et de communication. C’est pourquoi elle ne cesse, dans sa vie de tous les jours, lancer un appel à toutes filles et femmes souffrant de la fistule de ne pas se décourager. « C’est une maladie qui est soignée. Je suis un exemple vivant », fait-elle savoir. Elle encourage les filles et les femmes à intégrer les ongs pour bénéficier d’un encadrement adéquat. « Que Dieu bénisse le Conafed ! », a-t-elle lancée avant de reprendre son activité.
La guérison de Lisa a été également un grand soulagement pour sa femme. Mme Mafuta, sa mère a enduré cette souffrance à côté de sa fille. « Nous avons pleuré pendant plusieurs années. Je remercie Dieu pour sa guérison. Je remercie également le Conafed, l’AMEPEKI et Medicus Mundi pour cet acte », a-t-elle souligné.
Implication du Conafed
Mme Jeanne Nzuzi Nsamba, Secrétaire permanente du Conafed indique que Lisa est l’une des bénéficiaires des programmes de lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre. Un projet exécuté par le Conafed avec l’appui de Medicus Mundi. Elle et sa famille sont membres de l’AMAPEKI, qui bénéficiait d’un projet financé par l’ong Suédoise DIAKONIA. Ce programme appuyait les femmes paysannes. A travers leur présidente Mme Maguy Nzebo, le Conafed a été saisi du problème. «Nous avons contacté l’UNFPA qui a dit qu’il intervenait dans le cadre de la campagne et que la campagne avait déjà pris fin.
Quand l’association a organisé une deuxième phase de son projet d’autonomisation économique et politique de la femme paysanne, le Conafed a invité la ministre sortante du Genre, Mme Chantal Safu qui, elle, a recommandé de contacter l’hôpital Mutombo Dikembe pour ce cas de fistule. Cette structure également intervient dans le cadre d’une campagne.
Avec le risque d’une infection généralisée pouvant affecter ses reins, le Conafed a été obligé de prendre des choses en mains en vue de trouver une solution à ce problème. Les membres de son association, AMAPEKI ont décidé de venir en aide dans les cas qui dépassent les familles. Ils se sont cotisés et le CONAFED a contribué sur fond propre. Ensemble, ils ont vu le médecin qui a accepté d’intervenir à hauteur de plus de 800 dollars américains, avant sa sortie de l’hôpital.
« C’est une satisfaction pour le Conafed. En appuyant un volet d’autonomisation économique, il est nécessaire de voir aussi le développement dans son intégralité. Lisa est une survivante. Malheureusement, elle a accouché d’un enfant qui n’a pas survécu. Mais au moins elle réintègre la société après plusieurs années de souffrance à travers ce programme de développement intégral », rassure-t-elle.
Elle indique que des pareils cas existent beaucoup dans la périphérie de la ville province de Kinshasa où on trouve des femmes qui se rendent au champ et celles qui pratiquent des petits commerces sont exposées à des différents types de violences. Et la population préfèrent des arrangements à l’amiable.
La fistule obstétricale est un fléau qui touche les différentes couches sociales de la population congolaise. Cette maladie survient fréquemment chez les adolescentes, qui sont plus à risque de suite de complications à l’accouchement. Marginalisés et négligés, elles sont isolées et souffrent en silence, sans aucun espoir ni dignité. Et la persistance de cette maladie pourtant guérissable, illustre de graves inégalités et le déni des droits et de la dignité.
Génie Mulobo
* Lisa est un pseudonyme