Par Scott Mpako Bekila
Avocat près la Cour
Comme dans toutes les démocraties, les élections sont d’une importance capitale dans un pays. C’est par là que la démocratie passe et trouve sons sens. Il est le moyen par lequel chaque citoyen participe à la vie politique ainsi qu’à l’organisation du pouvoir étatique. Le processus électoral mérite donc une attention plus que particulière.
En 2018, la République démocratique du Congo a vécu son troisième cycle électoral, marqué essentiellement par la passation civilisée du pouvoir. Mais ces suffrages ont aussi attiré l’attention par l’omnipotence de plusieurs candidats dans différentes élections, tel que le Premier ministre honoraire Samy Badibanga et le très populaire Léon Nembalemba qui se retrouvaient sur les listes législatives nationales et provinciales. Il s’agit de la « La multi-candidature ».
Au Congo-Kinshasa, c’est un phénomène développé par un très grand nombre de candidats, afin de maximiser leurs chances d’être élus. Aujourd’hui, il semble passer sous le radar des analystes et des citoyens vigilants depuis plusieurs années déjà.
Cette méthode empirique qui consiste à postuler pour plusieurs postes à la fois afin maximiser ses chances de remporter les élections ne cesse de prendre de l’ampleur chez les candidats congolais. Ce qui oblige le candidat, dans le cas où il se fait élire dans plus d’une élection, à se faire substituer dans l’un des sièges remportés.
Si nous pouvons comprendre l’élection comme étant un contrat entre le candidat et l’électeur dont le premier promet de mettre ses compétences, son expertise pour le compte de l’Etat en échange du vote du deuxième. Si nous pouvons ensuite affirmer que le contrat électoral est véritablement intuitu personae, c’est-à-dire entre le candidat et le peuple qui ne peut être transposé à une autre personne que le postulant ou à un autre peuple que les votants, deux questions se posent sur la multi-candidature :
_Comment considérer un candidat qui postule à plusieurs postes et qui sait pertinemment qu’il ne pourra pas tous les exercer en cas de victoire multiple ?
_La population aurait-elle donné ses voix à ce candidat si elle savait que ce dernier abandonnerait la mission qu’elle lui a confié de manière unilatérale pour un poste plus lucratif ou plus avantageux ?
Nous pouvons donc sans équivoque établir dans le chef des candidats qui usent de cette méthode une volonté délibérée de manœuvrer, en brisant même le fondement du pacte électoral dans le but d’obtenir les voix et l’approbation du peuple.
Partant de cette hypothèse, il est donc facile de comprendre que cette escroquerie des voix qui profite d’un vide juridique est depuis plusieurs années passée sous silence dans la majorité comme dans l’opposition car il est favorable aux candidats les plus fortunés, afin d’optimiser leurs chances de gagner. Ce qui crée ainsi une crise de légitimité au sein du pouvoir notamment en mettant leurs proches dont, pour la plupart de cas, n’ont pas les compétences requises, du moins d’après les attentes de plusieurs électeurs.
Par conséquent, il est plus qu’indispensable aujourd’hui de mettre fin à cette énième malversation de la classe politique qui sert exclusivement les intérêts politiciens au détriment de la volonté du peuple, en ajoutant à la loi électorale une disposition claire sur la limitation à une candidature par participant pour l’ensemble des élections.
Ainsi, un candidat sera plus dévoué et plus disposé à préparer un projet plus élaboré pour une élection bien spécifique.
Comme l’a dit le docteur Denis Mukwege, seul un processus électoral totalement libre, juste et transparent peut résoudre toutes les crises que nous vivons.